Individuel vs collectif : points d’intérêt au sujet du travail et de la formation, pour une performance globale, c’est-à-dire tenant compte de la qualité de vie au travail (QVT).
En matière de travail, la question du curseur entre individuel et collectif se pose à chaque instant, que ce soit au sujet du sens, de l’identité, de l’ambition, des objectifs, de la qualité, des échanges, de l’évaluation, de la gratification, du temps, etc.
D’un côté, l’individualisation est de plus en plus « personnalisée », spécifique
L’individu, de plus en plus en quête de sens, de connaissance de ses aspirations profondes, de spiritualité, se recentre volontiers sur lui-même, médite, y compris sur son lieu de travail.
Le modèle de consommation toujours croissante le fait réfléchir ? Qu’à cela ne tienne ! Le big data pense pour lui des recommandations d’avis ou d’achat sur mesure (quitte à majoritairement réduire les messages qui lui sont destinés, en mettant en avant ceux qui sont analogues à ceux déjà consultés).
Dans le domaine professionnel, les entreprises cherchent de plus en plus à recruter sur des qualités personnelles de savoir être et de parcours plus que sur un diplôme.
Les parcours de formation eux-mêmes, pour être attractifs et performants, se doivent d’être de plus en plus personnalisés. Programmes à la carte, tutorat, alternance, passerelles, Erasmus proposés par les étudiants eux-mêmes… les établissements d’enseignement supérieur / organismes de formation continue doivent faire preuve de créativité et, surtout, de flexibilité.
En termes de compétences, gages de performance et d’employabilité, cela pose déjà une question : comment identifier et évaluer des compétences, quand les cursus ne sont plus communs, connus ? L’évaluation est d’autant plus délicate que les compétences sont de plus en plus souvent mises en oeuvre en groupe.
Plus généralement, comment prendre en compte la variation interindividuelle, y compris en intégrant les situations de fragilité (handicap, retour de longue maladie, situation d’aidant familial…), afin de personnaliser les conditions de travail (poste de travail, temps de travail, télétravail…), tout en garantissant une “justice organisationnelle” ? Ces sujets ne figurent que trop rarement dans les formations managériales.
Dans le même temps, l’individu se fond dans le groupe
La lettre manuscrite à un ami est devenue un court message à toute une communauté sur un réseau social numérique. L’économie collaborative – dont l’économie sociale et solidaire mais pas seulement – se développe. De nouvelles formes de solidarité – en dehors de celles qui était auparavant liées à la famille, aux systèmes mutualistes ou aux organisations syndicales – apparaissent, liées au numérique ou non (communautés “oasis”, où cohabitent différentes générations, par exemple) ; bref, le périmètre s’élargit souvent.
L’organisation du travail, bien qu’individualisant des tâches pour les rationaliser, privilégie de plus en plus les modes “projet”, transverses, et l’intelligence collective. Dans ce cas, le/la manager n’est plus un individu mis en lumière et prescrivant des tâches à d’autres individus, mais le/la facilitateur/trice d’un groupe, s’effaçant pour libérer les énergies d’une équipe alors responsabilisée par le principe de subsidiarité.
De plus en plus, les objectifs au travail sont plus collectifs qu’individuels ; dans un tel cadre, l’évaluation du travail d’une personne dépend du résultat obtenu globalement par l’équipe. C’est aussi un groupe, qui va donner son avis au sujet d’un individu, via une évaluation “à 360°”. La “valeur de l’individu” se mesure également à l’influence qu’il a sur des groupes, via l’animation de communautés professionnelles – numériques ou autres réseaux-, par la participation à des groupes de co-développement, etc.
Cette transformation est énorme et signifie aussi pour la formation de gros changements de paradigme : il s’agit notamment de
- refondre les modalités pédagogiques pour donner encore plus de place aux apprentissages par projet,
- gérer le passage de la compétition entre étudiants/stagiaires à une collaboration décloisonnée et fluide,
- remplacer les standards du management par des formations intégrant toutes les composantes (pour la plupart liées à l’organisation, au fonctionnement des équipes) de la QVT
- et former à l’utilisation voire à la création des outils collaboratifs numériques (tout en anticipant la fracture numérique ainsi que les questions intergénérationnelles).
Il faut bien dire que, du côté des entreprises comme dans les contenus des formations, c’est surtout l’aspect individuel de la santé au travail qui est le plus présent (salle de sport, formation à la gestion du temps et du stress, etc.). Il est vrai que ces sujets sont plus faciles à prendre en compte (une vitrine ?) que les questions sociales, organisationnelles, de la QVT.
Les enseignants/formateurs chargés de cette révolution sont-ils tous experts des modes collectifs de travail ? En font-ils régulièrement l’expérience ?
En tout cas, les jeunes étudiants, socialement très éveillés (notamment grâce aux outils numériques qu’ils ont en main depuis toujours), trouvent dans leurs associations, via les évènements qu’ils organisent, un excellent terrain d’apprentissage de la responsabilité collective et des régulations nécessaires.
Où en est l’indispensable dialogue ?
D’un lieu unique à du nomadisme en tiers-lieux, en passant par le travail à domicile (où l’intime individuel devient une plate-forme professionnelle), les modes de communication dans le travail sont transformés. En dehors de cet aspect physique, qui ouvre des possibilités mais appelle à la vigilance, il convient de prendre soin du “collectif de travail“, qui , selon S. DE CAROLY, par exemple, est bien plus qu’une simple collection d’individus : pour qu’un “bon” travail soit fait, il faut que le groupe soit solidaire dans son objectif et effectue les régulations nécessaires, quitte à “ré-élaborer” les règles données. Cela inclut de fait des éléments fondamentaux de la QVT, qui invite à débattre du travail et considère le collectif comme source de protection. Cela nécessite à la fois des espaces de dialogue et une capacité à dialoguer.
Bien que l’expression “dialogue social” soit aujourd’hui réservée au dialogue avec les organisations syndicales, l’évolution semble être dans la montée en compétences de tous les acteurs de l’entreprise dans le domaine du dialogue et de la négociation en groupe : les récentes ordonnances gouvernementales initient une réforme du Droit du travail et du dialogue social qui privilégient les accords au plus près du terrain. Les cabinets de médiation sont également en plein essor.
Pour les organismes de formation, aller au-delà des classiques modules de conduite de réunion ou de gestion des conflits individuels et des concours d’éloquence, afin de former les professionnels (et citoyens) à une respectueuse négociation « gagnant-gagnant », nous semble être un enjeu de poids.
Le passage du mono- au multi-groupe augmente la complexité
Les échanges sont mondialisés. Les entités juridiques se structurent en grands groupes pour peser davantage. Le travail en réseau à distance est favorisé par le numérique. Les entreprises s’ouvrent à une fédération des différentes parties prenantes (client / product owner pour le processus lean startup, fournisseurs / grosses sociétés de prestation externe ou réseau d’experts freelance ou, acteurs du temps partagé, etc). L’économie collaborative (plate-formes et communautés) met en relation des acteurs bien différents. Pour l’innovation, les questions budgétaires et le niveau de plus en plus élevé des expertises techniques conduisent à des associations de structures (cluster ou autres formes contractuelles, y compris avec des particuliers). Du côté de la RSE, l’entreprise dans son écosystème devient un acteur parmi d’autres. En bref, les organisations sont de plus en plus complexes, multi-structure.
Il s’agit de gérer la pluralité des enjeux, des relations, des cultures, la coopétition, etc.
De nouvelles compétences sont donc à transmettre, afin de déjouer les rapports de pouvoir qui freinent l’objectif global, de gérer le multiculturalisme (dont les différentes cultures des organisations en relation, le multilinguisme et le fait religieux) et de partager les convictions et pratiques en QVT avec les partenaires (en premier lieu lors de l’intégration de prestataires externes).
…et donc ?
Notre souhait, chez RHEOPOLE : au travail, pour la formation ou ailleurs, plutôt que d’opposer individu et collectif, penser l’individu comme faisant partie de quelque chose de plus grand et, dans les groupes, considérer les parties qui la composent (entités, équipes, individus). Cette phrase vous interpelle ? Contactez-nous !